(Agile change management)

Avec l'émergence des outils collaboratifs et de la technologie numérique, les approches traditionnelles de la gestion du changement - conçues de manière très descendante et planifiée - semblent plus que jamais atteindre les limites de leur applicabilité.

Une étude montre que 66% des personnes qui vivent un changement dans leur entreprise regrettent de ne pas pouvoir échanger et s'exprimer sur les transformations qui les concernent directement.[1]

 

Par ailleurs, selon Jason Little, auteur du livre "Lean change management" (gestion du changement)[2]

C'est dans ce contexte que l'approche agile nous invite à repenser la gestion du changement.

Gestion du changement : une approche traditionnelle contre une approche agile

L'approche Agile désigne un ensemble de pratiques utilisées pour gérer et déployer des projets. Elles sont généralement reconnues comme étant plus flexibles que les méthodes traditionnelles. Par exemple, cette approche vise à impliquer le plus possible le client dans le développement de produits ou de services et à permettre une plus grande réactivité à ses demandes.

De même, la gestion traditionnelle du changement est basée sur une approche linéaire : une série d'étapes différentes. L'un des modèles les plus connus a été développé par PROSCI, promu sous l'acronyme ADKAR et basé sur une succession d'étapes. Le principe est de créer d'abord la Prise de conscience, puis le Désir, la Connaissance, la Capacité et enfin le Renforcement. Ce modèle a ses limites dans la mesure où des événements inattendus impactent le projet de changement ou lorsque les objectifs ne sont pas atteints à la fin du cycle.

En 2015, Autissier et Moutot ont identifié 4 principes sur lesquels s'opposent la conduite du changement traditionnelle et la conduite du changement agile.[3]

Principe de la gestion traditionnelle du changement

Destination connue

Sentiment d'urgence

Intrumentalisation

Préparation au changement

Principe de la gestion agile du changement

Destination co-construite

Collaboration

Expérimentation

Ancrage

  • La première différence majeure concerne le principe de l'approche traditionnelle où les résultats du changement sont définis à l'avance par la direction. Dans une approche agile du changement, l'ensemble du plan n'est pas défini. Les employés sont impliqués dans la création des grandes lignes des résultats possibles. La gestion agile du changement est donc co-construite et s'appuie sur la collaboration de tous les individus impactés par le changement pour définir les objectifs à atteindre.
  • Le deuxième point concerne le passage d'un sentiment d'urgence à une approche collaborative. Les représentants de l'approche traditionnelle tels que Kanter et Kotter[4] ont mis en avant le principe de la "plate-forme brûlante". Il vise à présenter le changement aux salariés comme une nécessité absolue, un impératif de survie. Or, ce type de discours peut conduire à la lassitude, voire à la démotivation s'il est perçu comme une tentative de manipulation. Même si les menaces sont réelles, l'approche agile plaide davantage pour une approche qui met en avant les opportunités de progrès grâce au changement afin de favoriser la mobilisation et la collaboration autour du projet.
  • Le troisième principe vise à remplacer l'instrumentalisation par l'expérimentation. Parler des risques de ne pas changer et communiquer les résultats attendus du projet ne suffisent pas à mobiliser les salariés sur le long terme. Le changement agile, c'est plutôt l'expérimentation. Il est centré sur la mise en œuvre des actions de changement et la capitalisation des retours d'expérience pour améliorer les expériences suivantes.
  • La dernière distinction concerne le questionnement utilisé pour préparer le changement par rapport au principe d'ancrage. Selon l'approche agile du changement, ce n'est pas tant l'intention de changer qui doit être abordée que l'acte de changement lui-même. C'est pourquoi le principe d'ancrage doit être privilégié, où la compréhension des résistances au changement et les moyens d'y remédier priment sur le principe d'explication du "pourquoi" du changement.

L'approche agile propose donc un changement de perspective. La gestion du changement ne consiste plus seulement à informer et à former les équipes qui seront affectées par le changement. Il est important de les impliquer en mettant en place des expérimentations et en recueillant des retours d'expérience. En positionnant les équipes comme acteurs du changement, l'appropriation devient plus automatique et l'acceptation est renforcée.

L'itération : un autre principe clé de l'agilité

Le développement agile se caractérise par une séquence d'actions limitées dans le temps appelées sprints. À l'origine, ces sprints permettaient aux équipes de développement de logiciels de tester rapidement certaines parties d'une solution et d'intégrer les commentaires des clients. L'objectif est de développer un produit ayant la plus grande valeur ajoutée pour l'utilisateur final.

Dans le cadre d'un projet de changement agile, il sera donc nécessaire de définir les expériences requises et de les mettre en œuvre à petite échelle avec un public cible et de recueillir des commentaires pour vérifier si elles sont aussi appropriées qu'on le pensait initialement. Une fois leur validité démontrée, elles pourront être déployées à plus grande échelle.

Pour Autissier et Moutot, l'ancrage du changement se fait principalement grâce aux actions qui sont menées au quotidien par les équipes concernées avec le soutien des managers locaux. L'expérimentation peut se faire par le biais d'ateliers participatifs, où les employés peuvent s'approprier le changement et donner leur avis (qu'il s'agisse d'un projet de création d'un nouvel espace de travail, de modification des procédures ou de mise en œuvre d'un nouveau système). Les itérations permettent de tester différentes actions de changement et d'en simuler les effets, de sorte que seules celles qui sont couronnées de succès sont déployées à plus grande échelle.

 

Suivi plus visuel des actions de changement

Un autre principe important consiste à suivre les actions de changement de manière visuelle. L'utilisation de canevas est devenue de plus en plus populaire depuis l'apparition du "Business Model Canvas" (A. Osterwalder).[5] Il permet de visualiser immédiatement les principales composantes d'un modèle d'entreprise. Depuis, ce canevas a été largement utilisé dans le monde des start-ups pour les aider à expliquer leur concept aux investisseurs. La visualisation des actions de changement permet de les communiquer facilement à tous les niveaux : une vue globale pour la direction et des vues plus opérationnelles pour les différentes équipes impactées. La visualisation renforce la culture agile, car les expériences, plus courtes par nature, peuvent être suivies de manière structurée par des équipes qui ne travaillent pas nécessairement ensemble au quotidien.

 

Vers des approches plus durables, plus dynamiques et plus efficaces

L'idée de dépasser les approches traditionnelles de gestion du changement vise également à encourager le passage à un mode "delivery". Il s'agit de privilégier l'action et l'expérimentation pour obtenir des résultats plus rapides en se concentrant sur des actes concrets de transformation.

En bref, le changement agile vise à rendre les processus de gestion du changement plus dynamiques, plus percutants et plus durables. Vivant, parce que les parties prenantes sont intégrées dans l'expérience du changement et participent à sa construction. Impactant, parce que l'objectif du changement agile est d'avancer rapidement et de laisser la place à l'expérimentation. Durable, parce qu'en impliquant davantage les équipes et en construisant des expériences ensemble, on développe leur capacité à s'adapter en permanence.

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[1] Autissier D., Moutot J-M. (2015), Le changement agile : se transformer rapidement et durablementDunod, 192 p.

[2] Autissier D., Moutot J-M. (2015), Agir en mode DeliveryDunod, 196 p.

[3] Kanter R., Stein B.A., Jick T.D. (1992), Le défi du changement organisationnel : Comment les entreprises le vivent et le guidentFree Press.

[4] Kotter J. (1996), Conduire le changementHarvard Business School Press.

[5] Little J. (2018), Gestion allégée du changement : Pratiques innovantes pour la gestion du changement organisationnelHmexpress, 180 p.

[6] Osterwalder A., Pigneur Y., (2010), Génération de modèles d'entreprise : Un manuel pour les visionnaires, les changeurs de jeu et les challengersBroché.